La loi Duplomb, adoptée en juillet 2025, entend apporter des réponses aux crises agricoles, notamment en facilitant, sous conditions, l’usage de certaines substances phytosanitaires. Parmi elles figure l’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde dont l’usage avait été restreint en raison de ses impacts sur les écosystèmes.
Au-delà des enjeux agricoles, ce texte suscite de nombreuses interrogations en matière de santé publique. L’un des points d’alerte concerne les effets potentiels à long terme des pesticides sur le système immunitaire, notamment dans le cadre de maladies comme la polyarthrite rhumatoïde (PR).
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune touchant environ 300 000 personnes en France. Elle résulte d’un dérèglement immunitaire qui s’attaque aux articulations, mais peut également affecter d’autres organes. Bien identifiée dans sa dimension génétique, la PR est aussi influencée par des facteurs environnementaux, qui font l’objet de recherches croissantes.
Parmi eux figurent notamment :
Parmi les recherches les plus notables, celles menées au sein du service de rhumatologie du CHU Bicêtre – AP-HP, par le Pr Luca Semerano et la chercheuse Johanna Sigaux, apportent des hypothèses immunologiques solides.
Sigaux J. et al.
"Expositions environnementales et réponse immunitaire dans la polyarthrite rhumatoïde : données expérimentales et perspectives épidémiologiques".
HAL Inserm, 2021.
hal-03484573
Dans ce travail de synthèse mené par une équipe française (AP-HP, Université Paris-Saclay), les auteurs décrivent les effets immunomodulateurs potentiels des expositions environnementales sur le développement de la PR. L’article souligne :
Les auteurs appellent à des études complémentaires pour mieux quantifier les risques et à intégrer ces éléments dans la surveillance épidémiologique des maladies auto-immunes.
Parks C. G. et al.
"Occupational exposure to pesticides and risk of rheumatoid arthritis: results from the Agricultural Health Study"
Environmental Health Perspectives, 2010, 118(5): 661–666.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2898190/
Cette étude épidémiologique, basée sur une cohorte de plus de 30 000 personnes dans le cadre de l’Agricultural Health Study (AHS) aux États-Unis, met en évidence un lien statistiquement significatif entre l’exposition à certains pesticides (dont fonofos, maneb/mancozeb, et chlorimuron-éthyl) et un risque accru de polyarthrite rhumatoïde séropositive chez les femmes.
Ces résultats ne suffisent pas à établir un lien de causalité, mais ils justifient pleinement une surveillance renforcée et des mesures de précaution, notamment dans les zones d’usage intensif de pesticides.
La loi autorise :
Ces décisions ont été critiquées par plusieurs organisations, dont :
Ces instances pointent un manque de cadrage scientifique et sanitaire préalable, et s’alarment de l'absence d’études de suivi épidémiologique concernant l’impact sur les maladies chroniques, y compris auto-immunes.
Certaines populations sont particulièrement à risque :
Les effets de l’exposition sont souvent diffus, multi-sources et prolongés dans le temps, ce qui rend leur traçabilité difficile, mais pas moins préoccupante.
Il n’existe aucune preuve formelle et directe que l’exposition à l’acétamipride ou à d’autres pesticides cause la PR. Mais les données expérimentales et observationnelles s’accumulent pour suggérer un lien plausible entre certaines expositions environnementales et le développement de pathologies auto-immunes chez les personnes prédisposées.
Cela justifie une vigilance accrue, une meilleure surveillance sanitaire dans les zones d’utilisation intensive, et une volonté politique de renforcer les dispositifs de prévention.
Dans un contexte où les maladies chroniques progressent et où les facteurs environnementaux sont de mieux en mieux documentés, il est crucial d’avancer selon le principe de précaution. Cela ne signifie pas interdire systématiquement, mais évaluer sérieusement les risques, croiser les données scientifiques et écouter les signaux d’alerte émis par les chercheurs.
À l’ANDAR, nous faisons le choix d’une veille active sur ces sujets. Notre responsabilité est de défendre les intérêts des personnes vivant avec une polyarthrite, mais aussi de contribuer à une information fondée, prudente et respectueuse du débat scientifique.
Face aux inquiétudes croissantes liées à la loi Duplomb, une pétition officielle a été déposée sur le site de l’Assemblée nationale. Elle demande un encadrement plus strict des substances phytosanitaires autorisées, notamment l’acétamipride, et une évaluation sanitaire systématique avant toute dérogation.
👉 Soutenir la pétition : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3014