Un système immunitaire… sous haute surveillance
Chaque jour, notre système immunitaire nous protège de milliers de virus, bactéries et autres microbes. C’est une machine extraordinairement précise, capable de distinguer ce qui appartient à notre corps de ce qui lui est étranger.
Mais il peut arriver que cette distinction se brouille : le système immunitaire attaque alors nos propres tissus. C’est ce qu’on appelle une maladie auto-immune.
Pour éviter ces erreurs, notre corps dispose de deux “niveaux de sécurité” :
Le premier niveau a lieu dans le thymus (un petit organe derrière le sternum).
Là, les lymphocytes (cellules immunitaires) trop agressifs sont éliminés avant même d’entrer en action.
👉 C’est ce qu’on appelle la tolérance centrale.
Mais certaines passent entre les mailles du filet…
Et c’est là qu’intervient la découverte du Nobel : un second niveau de contrôle, qui agit dans tout l’organisme pour calmer les réponses immunitaires excessives, qu’on appelle la tolérance immunitaire périphérique.
Les lymphocytes T régulateurs, les “gardiens de la paix”
C’est le Japonais Shimon Sakaguchi qui, en 1995, identifie un type particulier de lymphocytes : les lymphocytes T régulateurs, ou Treg.
Ces cellules ne combattent pas les microbes : elles ont un rôle plus subtil, mais essentiel : réguler les autres cellules du système immunitaire.
Elles s’assurent qu’une fois la menace écartée, la réponse immunitaire redescende à un niveau normal.
En résumé, elles fonctionnent comme des freins naturels :
Trop d’immunité ? Elles interviennent pour calmer le jeu.
Pas assez ? Elles laissent le système se défendre.
Sans elles, le système immunitaire s’emballe… et finit par attaquer le corps qu’il est censé protéger.
Le rôle clé du gène FOXP3
Quelques années plus tard, en 2001, Mary Brunkow et Fred Ramsdell découvrent un gène central dans ce processus : FOXP3.
Ils travaillent alors sur une maladie rare et grave du nourrisson, le syndrome IPEX, où les enfants développent très tôt des inflammations massives et des maladies auto-immunes.
Ils montrent que ces patients ont une mutation du gène FOXP3, qui empêche le bon développement des lymphocytes T régulateurs.
Deux ans plus tard, Shimon Sakaguchi confirme que FOXP3 est bien le chef d’orchestre des Treg : sans lui, ces cellules régulatrices ne se forment pas, et l’immunité perd son équilibre.
Pourquoi cette découverte est majeure
Ces travaux ont révolutionné notre compréhension du système immunitaire.
Avant, on pensait surtout à “supprimer” les réactions auto-immunes trop fortes.
Désormais, on sait qu’il est possible d’agir sur la régulation, en renforçant ou en restaurant la tolérance naturelle du corps.
Les maladies auto-immunes : stimuler les Treg pour calmer une réponse immunitaire excessive (comme dans la PR).
Les greffes : utiliser les Treg pour éviter le rejet des organes transplantés.
Le cancer : à l’inverse, bloquer l’action des Treg quand elles protègent trop les cellules tumorales du système immunitaire.
Autrement dit, apprendre à manipuler finement les Treg pourrait permettre de rétablir un équilibre du système immunitaire selon les besoins.
Dans la PR, le système immunitaire s’attaque aux articulations, provoquant inflammation, douleur et destruction progressive du cartilage.
Les lymphocytes T régulateurs jouent ici un rôle crucial :
certaines études montrent qu’ils sont moins nombreux ou moins efficaces chez les personnes atteintes ;
d’autres explorent des thérapies visant à renforcer leur action.
Cette voie de recherche laisse espérer des traitements capables de corriger le déséquilibre immunitaire à la source, plutôt que simplement d’en atténuer les conséquences.
Shimon Sakaguchi (74 ans, Japon) – Professeur émérite à l’université d’Osaka.
Mary Brunkow (64 ans, États-Unis) – Chercheuse à l’Institute for Systems Biology (Seattle).
Fred Ramsdell (65 ans, États-Unis) – Conseiller scientifique chez Sonoma Biotherapeutics (San Francisco).
Ces trois scientifiques ont travaillé des années, souvent dans l’ombre, pour comprendre ce mystère du corps humain :
👉 Comment notre propre système de défense apprend à se contrôler lui-même.
Les sources
Nobel Prize in Physiology or Medicine 2025 – Press Release – NobelPrize.org
Popular information – Nobel Prize 2025 – NobelPrize.org
Reuters : “Immune system breakthrough wins Nobel medicine prize”
Scientific American : “How the Body Puts the Brakes on the Immune System”